MOTOCYCLISME - GP DE CATALOGNE
Tom n'est qu'un... étudiant
Stan Perec
L'entourage de Tom Lüthi a tenu à rappeler que le pilote avait tout à apprendre dans sa nouvelle catégorie et qu'il ne fallait pas attendre de miracle cette saison
Avant de passer par la clinique du docteur Costa, Tom réussit un tour infernal. Mais il sait - son entourage aussi - qu'il n'a pas encore le rythme pour jouer le podium
Jean-Claude Schertenleib - 09/06/2007
Le Matin Dimanche
L'image est étonnante, parce que rare: le patron d'une équipe sportive a convoqué sur-le-champ une miniconférence de presse... pour demander aux représentants des médias de ne pas trop en faire! Ce patron, c'est Daniel-M. Epp, le propriétaire du team, mais aussi le manager personnel de Thomas Lüthi. Qui a été dérangé, dans la semaine, par certains de ses partenaires financiers, mis en appétit par les débuts tonitruants de Tom en 250: «Je dois être le seul manager au monde qui demande que l'on calme le jeu, que l'on rappelle que nos ambitions, pour cette première année, c'est le top 10 final. Et que tout ce qui vient en plus, c'est cadeau.»
Le patron sourit. Il sait que, depuis quatre ans maintenant, un phénomène sans précédent s'est développé autour de son pilote: une sympathie telle que dans toutes les couches de la population, dans notre pays, se trouvent des gens qui se passionnent pour l'aventure de ce jeune homme si attachant: «Dans ce sport, la catégorie 125 cm3, c'est l'école primaire. Tom en est sorti avec mention, puisqu'il a été couronné champion du monde. Le voilà donc, étudiant toujours, entré à l'école supérieure, la classe 250; et là, il doit tout apprendre. L'école secondaire, cela dure généralement trois ans. Après, après seulement, il pourra entrer dans le monde du travail: la classe MotoGP!»
Or il se trouve que dès les premiers cours, l'étudiant Lüthi a joué les surdoués - au Qatar, il a occupé la tête de son premier GP l'espace de deux virages!
Une place dans les dix
Et que ces excellentes dispositions ont eu pour effet de mettre encore un peu plus le feu autour du phénomène: «Maintenant, soyons clairs: bien sûr qu'il peut se passer beaucoup de choses dans une course de moto; alors, peut-être qu'aujourd'hui, Tom se retrouvera sur le podium. Mais notre niveau actuel de performances est encore éloigné de ce but, et c'est tout à fait normal. Je vais vous dire une chose: si, ce soir, nous repartons de Catalogne avec une dixième place, je serai le plus heureux des hommes.»
Un homme qui ne cesse d'améliorer son outil de travail. Ainsi, Andy Ibbott, le coach de pilotage de Tom, va désormais travailler à 100% pour lui.
Il a été héroïque dans la douleur
15 h 49, l'heure de vérité. Quelques centaines de mètres plus tôt, un adversaire - l'Espagnol Espargaro - a coupé sa trajectoire: «C'est un idiot. Ce qu'il a fait est dangereux.» Encore un tour de perdu. Et Tom qui montre sa colère au coupable, avec force gestes; on ne peut pas deviner qu'il souffre dans son corps. Au guidon, Lüthi sait que son nom a dégringolé dans la hiérarchie. Il reste 10 secondes avant le drapeau à damier, Tom n'est plus que quatorzième...
15 h 51, la libération. Il a pris tous les risques, «même moi, je ne sais pas comment j'ai fait» et ça a payé: Thomas Lüthi vient de signer le cinquième temps, à très exactement 49 millièmes de la première ligne... alors qu'il a été gêné dans le dernier virage par la KTM de Mika Kallio, victime d'une nouvelle casse mécanique. Explosion de joie? Non, douleur, terrible, celle d'un jeune homme qui n'arrive plus à bouger ses deux bras. Qui a tout fait, peut-être trop pour l'honneur: «Je n'ai jamais connu cela: mes bras tremblaient, je n'arrivais plus à les replier.»
16 h 15, la question. Cette fois, le débriefing sportif a été ramené à sa plus simple expression. Tom est déjà au frais, dans la clinique mobile du docteur Costa, il est encore dans son cuir de course: massages, premiers soins, nombreuses injections d'anti-inflammatoires et de vasodilatateurs.
17 h 50, l'explication. Tom a retrouvé les siens. Ces deux bras portent les traces de plusieurs piqûres, il se sent à nouveau (presque) bien. Le verdict tant redouté (le syndrome des loges, qui entraîne une ischémie musculaire complète et qui nécessite une intervention chirurgicale urgente) n'est pas confirmé: «C'est la première fois que je roule en 250 avec cette chaleur et nous pensons que ma combinaison, trop serrée, a provoqué ces problèmes de circulation sanguine.»
18 h 30, la solution. Il fait toujours aussi chaud dans le paddock. Tom se repose. Dans un coin, des couturières pas comme les autres sont au travail: elles modifient une combinaison de Lüthi, en élargissant les manches à hauteur des biceps. Car dimanche est jour de course...
Les grilles
Montmelò. Grand Prix de Catalogne.
125 cm3: 1 Talmacsi (Hon), Aprilia, 1'50''012 (154,684 km/h). 2 Faubel (Esp), Aprilia, à 0''324. 3 Gadea (Esp), Aprilia, à 0''517. 4 Smith (GB), Honda, à 0''794. 5 Pesek (Tch), Derbi, à 0''921. 6 De Rosa (It), Aprilia, à 0''933. Puis: 11 Cortese (All), Aprilia, à 1''732. 15 Krummenacher (S), KTM, à 1''918. 27 Aegerter (S), Aprilia, à 2''807. 35 pilotes en lice.
250 cm3: 1 Lorenzo (Esp), Aprilia, 1'45''098 (161,503 km/h). 2 Barbera (Esp), Aprilia, à 0''915. 3 Dovizioso (It), Honda, à 1''103. 4 Debon (Esp), Aprilia, à 1''235. 5 Lüthi (S), Aprilia, à 1''284. 6 De Angelis (St-Marin), Aprilia, à 1''324. 7 Bautista (Esp), Aprilia, à 1''338. 8 Kallio (Fin), KTM, à 1''531. 28 pilotes en lice.
MotoGP: 1 Rossi (It), Yamaha, 1'41''840 (167,097 km/h). 2 de Puniet (Fr), Kawasaki, à 0''061. 3 Pedrosa (Esp), Honda, à 0''162. 4 Stoner (Aus), Ducati, à 0''277. 5 Hopkins (EU), Suzuki, à 0''393. 6 Edwards (EU), Yamaha, à 0''443. 7 Hayden (EU), Honda, à 0''682. 19 pilotes en lice.