MOTOCYCLISME
Lorenzo, un homme traqué
Image © Keystone
Jorge Lorenzo n’a plus gagné de course depuis le GP de République tchèque, le 15 août dernier.
Battu pour la troisième fois d’affilée par son compatriote Daniel Pedrosa, le leader du mondial MotoGP fait la tête.
Jean-Claude Schertenleib - le 20 septembre 2010, 22h43
Le Matin
GP D’ARAGON
Il est rentré dans son stand la tête basse. Il s’est caché derrière un panneau pour enlever son casque – pour l’occasion, il avait décoré son heaume aux couleurs de Shoya Tomizawa, le pilote japonais tué en course deux semaines plus tôt. Facile de deviner son regard: ses deux yeux ronds devaient ressembler à deux canons d’armes dangereuses. Il n’est pas encore 15 h, ce dimanche historique en Basse-Aragon et Jorge Lorenzo est fâché. Au même instant, son compatriote Daniel Pedrosa se dirige vers le podium, où l’attend Son Altesse Sérénissime, le roi Juan Carlos, fan de courses de moto.
Lorenzo fait la tête, il rage. A peine a-t-il fait un petit geste en direction de son équipe technique pour exprimer son impuissance. Pour la troisième fois d’affilée, il vient de se faire battre par le dernier adversaire qui peut encore l’empêcher de devenir champion du monde dans la plus importante des catégories des GP. En trois courses, à Indianapolis, à Misano, puis, ce dimanche, sur ce magnifique circuit du Motorland Aragon, le meilleur Espagnol en piste a été Dani Pedrosa. Et l’avance de Lorenzo, qui avait culminé à 77 points au soir du GP de la République tchèque, n’est plus «que» de 56 unités, alors qu’il en reste 125 en lice.
A la régulière
Et ce qui ennuie le plus Lorenzo, c’est que cette fonte des points d’avance ne s’explique pas par une erreur de sa part, la chute toujours possible. Non, là, les choses se sont passées à la régulière, et c’est beaucoup plus grave pour lui. Comment ce binôme Lorenzo-Yamaha, qui semblait invulnérable pendant les deux premiers tiers de la saison, se retrouve-t-il tout à coup dans le viseur d’adversaires de plus en plus gourmands? Comme dans toute crise – et celle-ci n’est pas encore grave, mais elle peut le devenir rapidement –, plusieurs éléments se sont liés.
Premièrement, chez Yamaha, on a usé beaucoup d’énergie pour gérer le concubinage explosif entre Valentino Rossi et Jorge Lorenzo, le fier Ibère; les victoires à répétition ont fait le reste et la Yamaha M1, «la meilleure moto du peloton», a forcément moins évolué que la concurrence. Chez Honda, c’est exactement le contraire qui s’est produit; le géant de la moto a investi plus que jamais dans le développement permanent de sa RC212V, pour tenter de laisser une trace avant que la catégorie change à nouveau du tout au tout (retour à une cylindrée de 1000 cm³, contre 800 aujourd’hui, en 2012).
Le message de Ducati
Enfin, et c’est le principal enseignement du week-end, le dynamisme de Ducati a été boosté depuis l’officialisation de l’arrivée, l’an prochain, de Valentino Rossi. Comme rien ne peut être assez beau pour le phénomène de la moto, les ingénieurs de Borgo Panigale veulent envoyer un message clair à leur futur partenaire, mais aussi à la concurrence: «Nous sommes déjà là!» Donc, «nous le serons encore plus en 2011, avec le fameux numéro 46 collé sur le rouge carénage»! C’est vrai que Jorge Lorenzo a peut-être du souci à se faire.