Comment rendre une course MotoGP mémorable ? Prenez deux candidats au titre mondial (Rossi et Lorenzo), un tenant du titre déchu n’ayant plus rien à perdre (Marquez), ajoutez-y un petit grain de folie (peut-être même de maniaquerie avec Iannone), secouez le tout généreusement pendant 27 tours sur un des plus beaux tracés de la planète et vous obtiendrez au bas mot la course de l’année, à partager avec autant de convives que vous le souhaitez. Vous avez manqué cela ? Pas de problème, voilà la recette détaillée !
Lors d’un week-end sous un temps plutôt clément, les chronos entre les principales têtes d’affiche sont resserrés suite à l’allocation pneumatique de Bridgestone plus conservatrice que d’habitude (les problèmes rencontrés en 2013 et 2014 n’y sont pas étrangers). A ce petit jeu, Marquez décroche la pole devant Iannone, qui s’est aidé de Lorenzo pour réaliser son chrono. Le pilote Yamaha est 3ème devant Pedrosa, Crutchlow, Vinales, Rossi et les frères Espargaro.
Lors du départ, Iannone réalise le meilleur envol devant Lorenzo, Marquez, Pedrosa, Crutchlow et Rossi et les deux Suzuki d’Espargaro et Vinales. Les hostilités démarrent dès la 1ère épingle (virage 4, précédé par le virage Stoner à 220 en glisse) avec à la surprise générale une manœuvre de Pedrosa pour prendre le dessus sur con coéquipier avec succès.
Lorenzo compte mettre à profit le départ moyen de ses adversaires directs pour prendre la poudre d’escampette et dépasse Iannone dans les enfilades qui précèdent Lukey Heights (gauche aveugle en montée). Marquez fait les freins à Pedrosa à l’épingle d’après mais Pedrosa résiste et repique à l’intérieur dans le gauche suivant.
Lorenzo finit donc le premier tour en tête mais se fait déborder dans le bout droit par la Ducati supersonique d’Iannone, qui garde le commandement de l’épreuve dans le freinage pour le 1er virage (Doohan corner), et ce pendant que Marquez passe Pedrosa pour de bon, on a alors un paquet de 7 pilotes en tête. Iannone mène la meute jusqu’à la deuxième épingle, où il heurte… une mouette ce qui lui fait faire une goutte d’eau qui profite à Lorenzo !
Mais le Majorquin accuse le coup dans le bout droit et se fait dépasser de part et d’autres par Iannone et Marquez dans le bout droit ! Cependant, l’homme le plus rapide en piste ne figure pas dans ce trio puisqu’il s’agit de Rossi, encore englué derrière les deux Honda de Crutchlow et Pedrosa. Marquez ne se repose pas sur ses lauriers et fait les freins à Iannone 4 virages plus loin mais est contraint d’élargir, ce qui permet à l’Italien et à Lorenzo de repasser. A l’épingle suivante c’est à Pedrosa de tenter une manœuvre similaire sur Crutchlow, la lutte entre les deux hommes leur faisant perdre un peu de terrain sur le trio de tête. Rossi est dans leur roue tandis qu’Espargaro se fait lâcher et est même ramarré par Vinales. Lorenzo (repassé en tête suite à une légère erreur de Iannone en sortie de virage) se retrouve en tête de cortège après trois tours des plus animés, mais Iannone reprend son bien en bout de ligne droite. C’est le moment choisi par Rossi pour entamer sa remontée, puisqu’il se joue de Pedrosa dans le même virage et qu’il fait les freins à Crutchlow 3 virages après. Mais entretemps, Lorenzo a repris le commandement à l’entrée de la Southern Loop (virage 2), et Marquez a lui aussi tenté de dépasser le pilote Ducati, sans succès pour lui.
Le pilote Honda attend exactement un tour pour effectuer une nouvelle tentative, avec plus de succès cette fois-ci. Rossi essaye de s’infiltrer dans l’ouverture faite par l’Espagnol, en vain. C’est quelques virages plus loin, à l’entrée de Lukey Heights, que Rossi monte sur le podium provisoire de l’épreuve pour la première fois. Crutchlow, spectateur de la lutte devant lui, tire les marrons du feu en débordant Iannone (passé de la deuxième à la cinquième place en ½ tour) dans l’épingle suivante.
Ces querelles intestines pour les places d’honneur profitent à Lorenzo, détenteur d’une avance de quelques dixièmes sur Marquez après 5 tours d’une intensité rare. Cet écart s’accroit encore lorsque son dauphin prend trop large en sortie du Doohan corner, cédant la place de premier poursuivant à Rossi, Iannone ayant repris la 4ème place à Crutchlow. Marquez reprend la deuxième place à Rossi à l’épingle au terme d’un freinage musclé. Rossi ne se démonte pas et prend l’intérieur de Marquez à Lukey Heights et, s’il est contraint à élargir et ainsi laisser passer de nouveau le champion du monde en titre, ce n’est que pour mieux lui rendre la pareille dans le dernier gros freinage du tracé australien, ce qui permet même à Iannone de repasser 3ème, dans une lutte qui fait une nouvelle fois les affaires de Lorenzo, avec désormais une avance de 1s3 sur le groupe de chasse sur lequel Vinales a pu revenir.
Dans le bout droit, Rossi se fait déposer par Iannone (l’écart en vitesse de pointe est de l’ordre de 10 km/h) alors que Marquez s’engouffre lui aussi à l’intérieur de l’Italien dans le premier virage. L’Espagnol joue des coudes quelques virages plus loin pour prendre la tête du groupe et essayer de combler l’écart qui le sépare de son compatriote.
Sous l’impulsion de Marquez, le rythme augmente, les dépassements se raréfient, et le groupe se scinde en deux trios avec Crutchlow essayant de combler l’écart sur Marquez, Iannone et Rossi avec Pedrosa et Vinales à ses trousses. Cela n’empêche pas pour autant Rossi de reprendre le dessus sur Iannone, puis de signer le meilleur tour en course en 1’29’’3 dans la foulée.
Avec Marquez, les deux hommes parviennent à réduire l’écart jusqu’à ½ seconde à la fin du 11ème tour, alors que Iannone fait l’accordéon derrière eux. Mais Marquez temporise assez brutalement (pour cause de surchauffe du pneu avant a-t-il révélé après la course), ce qui permet à Iannone de recoller définitivement mais surtout à Lorenzo de revoir son avantage passer au-dessus de la seconde. Cela engendre une bataille entre les deux italiens, où Rossi conserve le dessus grâce à des freinages dont il a le secret. Mais cette lutte permet à Marquez (revenu à son rythme de croisière) de prendre un peu de marge et de tenter de revenir seul sur Lorenzo, notamment grâce à son meilleur tour en course en 1’29’’2 lors du 14ème tour. L’Espagnol est alors ½ seconde derrière Lorenzo et 1s devant Rossi.
De plus, il ne coupe pas son effort cette fois-ci et se retrouve dans la roue de Lorenzo deux tours plus loin. Iannone ronge son frein derrière Rossi avant de le passer à l’entrée du 17ème tour (sur 27) alors que derrière Pedrosa prend le dessus sur Crutchlow, Vinales s’accrochant aux deux pilotes Honda. Le désormais chef de file de chez Ducati revient peu à peu sur le duo de tête, notamment parce que les hostilités ont démarré entre Marquez et Lorenzo. En effet, Marquez prend la tête de la course à l’épingle du 18ème tour, et creuse tout de suite un écart de 3-4 dixièmes. Lorenzo, en difficulté à ce moment-là de la course, se retrouve avec Iannone et Rossi à ses basques. Le pilote Ducati effectue une première attaque à moins de 8 tours du terme de l’épreuve en bout de ligne droite, mais il élargit au profit du Majorquin.
Et alors que l’on pensait voir Marquez filer vers sa 5ème victoire de la saison, il semble temporiser de nouveau et voit revenir la meute sur lui. Lorenzo le dépasse même dans les enfilades avant Lukey Heights, le quatuor de tête tenant en 4 dixièmes à 6 tours de l’arrivée. Iannone est le premier à porter son estocade en faisant les freins à Marquez à Siberia (le gauche suivant la première épingle). Rossi tente de l’imiter quelques virages plus loin à Lukey Heights sans succès. Marquez réplique le tour suivant sur Iannone à l’épingle, Rossi faisant de même à l’épingle en sortie de Lukey Heights. Cette bagarre permet à Lorenzo d’avoir une marge de 6 dixièmes à 4 tours du terme de la course.
Iannone refait l’aspi à Rossi dans le bout droit, mais le leader du championnat répond immédiatement en s’infiltrant à l’intérieur dans la Southern Loop. Derrière le trio de chasse a éclaté, Pedrosa s’étant ménagé une avance confortable sur Vinales qui a fait de même avec Crutchlow.
Marquez force pour combler le trou qui le sépare de Lorenzo, mais Rossi et Iannone sont dans sa roue et représentent une menace tangible. Marquez ferme la porte à Rossi dans Lukey Heights, mais l’Italien retarde son freinage dans l’épingle derrière et force le Catalan à relever sa monture. Sans coup férir, Iannone profite du léger écart des deux hommes pour tangenter en deuxième place, dépassant les deux hommes comme si de rien n’était ! Mais à deux tours de la fin, Lorenzo dispose d’une avance de près d’une seconde qui semble lui assurer sa 7ème victoire de l’année. Marquez fait les freins à Rossi en bout de ligne droite, et essaye de profiter d’une petite faute pour ressortir devant Iannone à l’épingle mais l’Italien garde l’intérieur et rentre avant l’Espagnol dans Siberia, dans une bagarre qui rappelle leurs joutes en Moto2 ou plus récemment au Mans cette année.
Malgré tout cela, l’écart avec Lorenzo s’amenuise et Iannone rentre dans la dernière boucle avec moins de 7 dixièmes sur ce qui serait sa première victoire en catégorie reine. Mais il commet une faute dans le premier virage qui permet à Marquez de repasser, et malgré sa nouvelle attaque dans la Southern Loop il ne peut qu’élargir et laisser le pilote Honda repasser. A l’épingle, Rossi porte son attaque sur Iannone, et si son jeune compatriote le touche lors de la réaccélération c’est bien l’aîné qui rentre en 3ème position à Siberia.
Pendant ce temps, Marquez signe un demi-tour légendaire permettant de réduire à néant les 6 dixièmes d’avance dont disposait Lorenzo quelques virages plus tôt, et ce malgré les assauts de Iannone ! A l’entrée de Lukey Heights, Iannone justement tente sa chance et prend par surprise Rossi habituellement le plus enclin à porter une attaque à cet endroit. Dans l’épingle suivante, à la fois Marquez et Rossi tentent de prendre le dessus sur Lorenzo et Iannone.
Marquez sort de l’épingle en tête et file vers sa 50ème victoire en carrière (et qui restera a minima comme la course de l’année), record du tour lors de la dernière boucle en prime. Il devance Lorenzo, relativement épargné par la bagarre qui faisait rage tout au long de la course devant et qui, s’il ne parvient pas à remporter une victoire qui lui tendait les bras, reprend 7 points à Rossi dans l’optique du championnat, revenant ainsi à 11 points de l’Italien. 7 points ? Oui, car Iannone a pu repiquer à l’intérieur après la manœuvre de Rossi, s’assurant ainsi un podium qui, s’il ne correspond pas à son meilleur résultat en carrière (2ème au Mugello), correspond à la course de sa vie. Rossi doit se contenter d’une place hors du podium pour la deuxième fois de la saison après Misano, payant cher sa place sur la grille le forçant à se mêler à la lutter avec Marquez et Iannone plus performants en ligne droite. Pedrosa termine 5ème (presque un bon résultat quand on connait son passif avec Phillip Island), devant Vinales (auteur de sa meilleure course en MotoGP), Crutchlow, les frères Espargaro (Pol précédant Aleix), Smith, Redding, Petrucci, Dovizioso (anonyme 13ème à 29s de son équipier), Bautista et Miller. Baz est 18ème, Di Meglio 20ème.
Si vous êtes encore sur votre faim, le prochain banquet est prévu à Sepang dimanche prochain, nous pourrons encore compter sur la lutte pour le titre pour épicer ce nouveau mets.
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